dimanche 28 février 2010

Henry Darger

Bien sûr, il vaut mieux pratiquer la langue anglaise pour profiter pleinement des textes mais quelle somptuosité que ce livre!
Le cadre noir, profond, quasi laqué, sur lequel sont posés les dessins et le journal d'Henry Darger, rend toute grâce à cette œuvre ambigüe, cette série de dessins innombrables, véritable conte horrifique.
Le grand format, la densité, tout concourt à faire de ce livre une somme incontournable.

Il se divise en plusieurs parties dans lesquelles Klaus Biesenbach analyse, outre le contexte américain, l'influence de Darger sur nombre d'artistes contemporains et les parallèles qui peuvent être faits entre leurs œuvres.
Brooke Davis Anderson étudie ensuite avec beaucoup d'intelligence et de manière quasi chirurgicale le travail de Darger, sa pratique régulière, ses collectes, ses techniques...
Michael Bonesteel suivi de Carl Watson introduit les écrits de Darger par une biographie qui éclaire bien des aspects de son œuvre atypique, en soulignant les failles et les douleurs de son créateur, son rapport à Dieu, à l'enfance, aux éléments.
En prolongement, quelques pages d'History of my Life sont présentées, dans leur forme originelle. Ces textes sont reproduits avec beaucoup de soin et d'authenticité. Ces cahiers joints aux nombreux dessins regroupent ainsi le travail de Darger en un même ensemble indissociable, dans une même continuité créatrice.

Le livre se referme alors sur une courte sélection d'expositions passées et une brève bibliographie.

Du bel ouvrage.

-Monsieur-

Henry Darger de Klaus Biesenbach aux éditions Prestel 2009
en langue anglaise.

Pour les libraires situés en France, la diffusion se fait par Interart.

mercredi 24 février 2010

Le Triomphe de la Cupidité

La couverture française du dernier livre de Stiglitz fait pâle figure à côté de la version originale.
Original est le terme, plus parlant également.

Il est dommage, même pour un titre d'économie, de ne pas accorder plus de soin à la conception d'un visuel, d'une accroche de couverture, d'un "facing" comme disent les directeurs commerciaux.


Et l'on se désole de ne pas trouver en francophonie de sites dédiés aux couvertures de livre du genre de The Book Design Review (actuellement en pause) ou surtout de l'admirable Book Cover Archive.
Est-ce un problème de législation, de droits d'auteur ou de référencement?
Un rapport aux listes?
N'avons-nous pas la même dynamique, la même maniaquerie à vouloir conserver sur la toile toutes les couvertures, tous les livres?
Bien sûr, on dégotte quelques passionnés de-ci de-là qui agrémentent leurs messages de trouvailles régulières mais connaissez-vous de vrais sites de "rats de bibliothèque", comme ceux des collectionneurs d'affiches ou des chasseurs de papillons? De vrais sites avec une réflexion sur le design des livres?
Si c'est le cas, écrivez-nous, un petit message sera toujours le bienvenu.

-Monsieur-

Le Triomphe de la Cupidité de Joseph E. Stiglitz aux éditions des Liens Qui Libèrent, 2010.
Traduction de Paul Chemla

À regarder pour les curieux l'étonnante présentation de Zoomii, librairie en ligne affiliée à Amazon.

mardi 16 février 2010

Papiers Nickelés

Les Papiers Nickelés poursuivent leur petit bonhomme de chemin et c'est avec bonheur que l'on découvre leurs premiers pas sur Internet.
Dans leurs derniers numéros, on peut lire un historique de la carte postale, quelques mots sur René Brantonne magnifiquement encadrés des couvertures de Fleuve Noir Anticipation.

Le numéro 22 nous donne l'occasion de retrouver Heinrich Kley, un virtuose du dessin (de la première moitié du XXème siècle). L'ouvrage Drawings of Heinrich Kley paru chez Dover rendait bien compte de l'élégance de son trait, du mouvement: une véritable danse, un dessin "animé". Quelques portfolios sont visibles sur le site de Coconino World .

Le numéro 23 s'attarde sur Rémi, un des dessinateurs parmi les plus talentueux, et peut-être le plus mordant, de sa génération.
Un article sur Audubon côtoie un sujet sur les Crados, Gipi voisine sans problème avec Pierre Soymier (une occasion de porter un regard bienveillant sur la revue Ridendo à laquelle il participa), Roland Breucker est tristement honoré dans le numéro 22.

Il y a toujours les brèves et trop nombreuses nécrologies, la page consacrée à la censure qui rappelle que dessiner est un acte de liberté et les rubriques habituelles beaucoup plus réjouissantes.

Voilà de bonnes raisons d'acheter les Papiers Nickelés; même si l'on aimerait des numéros plus denses et plus fréquents... la gourmandise est un vilain défaut.

Prenons le temps et goûtons notre plaisir.

-Monsieur-

Papiers Nickelés, la Revue de l'Image Populaire.
Toujours difficile à dénicher, vous pouvez vous abonner sur leur site
ou indiquer leur diffuseur à votre libraire (en France):
Makassar, 8 rue Pelleport 75020 Paris (uniquement pour les professionnels).

dimanche 7 février 2010

Un Lieu, un Destin

Nul besoin d'habiter les Hauts-de-Seine pour prendre plaisir à regarder ces quelques films. On y suit le parcours d'une dizaine de personnalités emblématiques que le destin a liée à un moment ou à un autre à ce département. Mais le lieu n'est souvent qu'un point de départ, un prétexte pour se plonger dans la grande Histoire à travers la petite.

Simon Thisse, le rédacteur retrace de façon didactique la vie de ces grandes figures, artistes ou mécènes, leur apport à l'art, sans éluder les rugosités ni les aspects délicats de leur personnalité: la manière d'aborder la sexualité de Monsieur frère du roi est particulièrement savoureuse. Ou comment appeler un chat un chat sans heurter les sensibilités.

Le tout est d'une facture très classique. La structure est linéaire, ponctuée d'archives, de vues aériennes, de quelques incrustations d'images sur des documents d'époque. Le montage est dynamique et les différents intervenants permettent de ne ressentir aucun ennui (ce qui est le problème récurrent de ce genre de documentaire).

Il existe trois versions de chacun de ces films: une courte de 5 minutes, une autre de 26 minutes et une intégrale de 52 minutes. Ils seront diffusés sur plusieurs chaînes de télévision et disponibles à la vente dans quelques musées des Hauts-de-Seine.

Les titres sont:

Monsieur frère du roi - Domaine de Saint Cloud.
La duchesse du Maine - Sceaux.
Madame de Pompadour - Sèvres.
Joséphine - la Malmaison.
Chateaubriand - la Vallée-aux-Loups.
Corot - Ville-d'Avray.
Albert Kahn - Boulogne-Billancourt.
Charles Péguy - Bourg-la-Reine.
Léautaud - Fontenay-aux-Roses.
Céline - Meudon.

par le conseil général des Hauts-de-Seine.

- Monsieur -

samedi 6 février 2010

Hôpital Brut 9

L'Hôpital Brut n°9 est arrivé! 1kilo12. Un beau bébé. Il nous ouvre les bras et la couleur jaillit par tous les pores de sa peau. Il est énorme, indémêlable, mais lisible et maniable: 300 pages enchevêtrées comme les épines d'un buisson ardent!

La construction est une merveille d'intelligence et de vibrations, d'empathie envers les œuvres et de compréhension. Tout est calculé, réfléchi: les cahiers, les formats, les feuillets. C'est un sommet d'Art collectif, la virtuosité d'une horlogerie complexe.

Merci à Pakito Bolino d'avoir eu l'énergie de l'amener à terme, de réunir tous ces artistes - tous plus forts et indépendants les uns que les autres - avec le respect qui leur est dû: pas une légende ne vient polluer les dessins. Les noms sont en exergue, une liste belle en soi, porteuse d'une armée de légende. Des noms qui renvoient des images, comme des flashs, comme des électrons libres qui ne demandent qu'à s'échapper de cette main qui s'entrouvre vers le ciel.

Le docteur intervient. Saoul, agité, il tourne, déplie, se recule, se rapproche; claque sur claque: La beauté,radicale. Il encaisse, il respire, il reprend son souffle, son temps, le tempo. Il écoute; il écoute comme on écoute, éclaboussé de lumière, le soleil qui cogne les vitraux d'une église désertée.

"C'est un cerveau malade, dira-t-il, qui marrie la force à la somptuosité."

L'Hôpital Brut n'est pas une peinture de salon. L'Hôpital Brut exhibe tous les organes, les expose sur la table, dans leur splendeur la plus épurée, la plus crue.

Que ceux que la Nature effraye passent leur chemin, ils n'ont pas leur place ici ni .

- Monsieur -

Hôpital Brut n°9, sérigraphie totale, aux Éditions du Dernier Cri.