vendredi 13 juillet 2012

Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances

Jaime Semprun porta la critique sociale au cœur du projet de l'Encyclopédie des Nuisances (EdN). Il fonda les éditions du même nom en 1991.

" À la différence de celles qu'inspirent régulièrement le marché de l'édition ou l'idéologie d’État, notre Encyclopédie ne se prétend nullement l'héritière et la continuatrice du vieux projet des encyclopédistes du XVIIIe siècle. Le seul rapport qu'elle souhaite entretenir avec l'aspect positif de leur entreprise de recensement, c'est d'en renverser le sens, aussi radicalement que l'histoire a renversé celui du progrès matériel qui portait leurs espoirs. Ainsi pensons-nous d'ailleurs redonner tout son emploi historique à la négation passionnée des chaînes de superstition et de la hiérarchie qui animait ce qui n'aurait été sans elle qu'un bien morne catalogue." Prospectus de l'Encyclopédie des Nuisances, septembre 1984.

On pouvait le qualifier de radical. Il était inutile de le titiller ni même de l'amadouer. Cela ne changeait rien. Il n'hésitait pas à ruer dans les brancards. Il proposait sa vision du Monde avec une conviction sans faille, la certitude d'effectuer du bel ouvrage et de participer à un combat contre l'endormissement intellectuel généralisé. Il ne faisait pas l'unanimité, il n'était pas consensuel. Et alors ?
Pour se faire une idée un peu plus précise de sa maison d'édition, il suffit de s'attarder sur son catalogue .


Agréable à prendre en main, élégant dans son austérité gris-jaune, il est cousu et imprimé avec soin.

L'abécédaire, article paru en 1986 dans le sixième fascicule de l'EdN, ouvre la marche. En quelques pages nous avons un aperçu de ce que défendent les éditeurs de l'EdN : le livre et la pensée ; l'esprit critique, la raison et les mots ; le sens de ceux-ci et leur organisation par le langage ; l'apport de l'écrit, de la lecture dans l'élaboration du savoir et dans sa diffusion ; une maîtrise.
Ce texte a une importance majeure pour qui se désespère du désintérêt pour le Livre car c'est de la liberté dont il s'agit, ce n'est pas d'éducation des masses mais d'élévation des individus. Donner le droit et la possibilité à chacun de construire une réflexion.

"Nous sommes ainsi, de quelque façon que l'on veuille nous considérer, d'une autre époque. Il ne dépend pas seulement de nous que cette époque soit en fait la prochaine, mais tout ce qui sera critiqué ici le sera cependant du point de vue de la liquidation sociale des nuisances matérielles et intellectuelles, pour reconstruire un tel point de vue, dont l'organisation présente de l'inconscience historique se croit prématurément débarrassée." Prospectus de l'Encyclopédie des Nuisances.
Vient ensuite le catalogue, à proprement parler, présenté chronologiquement et non par un classement alphabétique d'auteurs ou de titres. Cela nous offre l'occasion d'errer de page en page, de musarder : chaque présentation attise la curiosité, appelle à la confrontation d'idées, incite à avancer, contre ou avec, mais à avancer. On se promène et on s’intéresse, on est tenté par un livre et un autre d'autant plus facilement que les prix sont loin d'être excessifs.

L'ouvrage se termine par une correspondance qui résume parfaitement la position chevaleresque de l'EdN dans un Monde du Livre habitué aux moquettes et aux patins sur le parquet. Plusieurs exemples de courriers échangés avec des libraires, des institutions, des éditeurs et des auteurs font montre d'une intégrité éditoriale, d'une rigueur intransigeante, d'une exigence professionnelle. Et même si ces lettres ont dû en refroidir plus d'un, la tournure des réponses les rendent très plaisantes à lire.

Approuvez, contestez, protestez mais lisez.

Catalogue de l'Encyclopédie des Nuisances - 2011 - disponible sur demande en librairie.


Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances 41 rue Mazarine 75006 Paris.
Diffusion-distribution auprès des libraires : Les Belles Lettres.

Après le décès de Jaime Semprun en 2010, Sofia de Semprun-Roy a repris la gérance de la maison d’édition.

- Monsieur -

Aucun commentaire: